Rognes (13)
Rognes est un petit village de 3450 habitants dans le Pays d'Aix en Provence. Il est célèbre pour sa pierre et sa truffe. Mais l'histoire de son blason est interessante à plusieur titre et prouve bien qu'un emblème ne peut se comprendre que par rapport à d'autres emblèmes.

La seigneurie de Rognes appartenait au XVI ème siècle à la famille d'Agoult. Cette famille avait comme armoiries un loup en souvenir reconnaissant de la louve qui, d'après la légende, aurait nourri le premier fils du prince saxon, tige des comtes de Sault (Vaucluse) dont descend les d'Agoult.

La dernière représentante de cette famille Julie épousa en 1597 Henri de Raphelis, seigneur de Saint Martin de Palières (Var) fils du premier consul d'Aix. La jeune châtelaine était, suivant la chronique, quelque peu hautaine et ambitieuse; elle conserva les rênes de son petit gouvernement et elle exigea que les habitants "ne puissent mettre sur les portes des églises, sur celles du village, sur les tombeaux et les bannières d'autres armoiries que celles du seigneur et qu'il devait être défendu aux particuliers de graver leurs armes sur les portes de leurs maisons, ni autre lieu que ce fût et encore moins de mettre des créneaux."
Les Consuls du village présentèrent la requête contradictoire suivante au lieutenant du sénéchal d'Aix en Provence:

"La Communauté soutient qu'elle et tous les particuliers ont toujours eu le droit d'apposer leurs armoiries et des créneaux sur les maisons du village et de la campagne, que les armes et créneaux y existaient depuis plus de cent ans; que l'on pouvait s'en convaincre en voyant la maison de Jean Simon, la porte du jardin d'Elzéard Barlatier, Fontmarin, la bastide de St Paul, celle de Barbebelle, etc.; que la Communauté et les particuliers sont en une possession immémoriale d'apposer leurs armoiries où ils le trouveront bon, sur les pierres tombales, dans le cimetière St Etienne, dans la vieille église, etc."

Cette requête fut admise comme fondée sur le droit et les usages. Julie d'Agoult fut déboutée de ses prétentions par sentence du lieutenant de la sénéchaussée.
Blason du lavoir Cependant, la commune n'avait pas de blason particulier, c'était le moment ou jamais d'en adopter un. Les consuls voulant faire malice à Mlle d'Agoult, firent peindre un verrou sur champ d'azur et déclarèrent que cet écusson significatif, serait désormais celui de la Communauté avec la légende : Ferme bien qui pouvant tout fermer ne ferme rien.
Pour rappeler le souvenir de cette querelle, qui eut lieu en 1625, les consuls firent peindre en tête d'un livre de délibération, un loup, un verrou et les vers suivants:

Sous ce simple verrou

La brebis enfermée

Ne craindra pas du loup

La dent envenimée.

En 1697 lors de la création de l'Armorial Général, les commis de d'Hozier enregistrèrent le loup ravissant d'azur des d'Agoult.

Il faut dire que l'enregistrement étant payant ( 20 livres), les communautés ne se précipitaient pas pour enregistrer leurs blasons. Le seigneur était mieux placé pour défendre ses opinions.

Louis de Bresc dans son Armorial des Communes de Provence se contenta d'indiquer ce qu'il trouva dans le livre de l'Armorial Général. L'erreur a par la suite été répété par les auteurs qui ne font pas d'enquêtes sur le terrain mais se contentent de compiler le travaux de leurs prédecesseurs.

Références: "Monographie du village de Rognes" par Marie Tay dans les Annales 1992 des Amis du Vieux Rognes

Sites parlant de Rognes: http://www.ville-rognes.fr/

Blason d'Agoult: Armorial des Bouches du Rhône